La médecine, un métier de vocation mais pas à n’importe quel prix.
Appel Médical Search, filiale du Groupe Randstad spécialisée dans le recrutement de médecins et de chirurgiens qualifiés, dévoile les résultats de sa dernière étude Futuramed consacrée aux attentes des internes et des jeunes médecins. Alors que le système de santé est en crise, l’enquête menée auprès de plus de 300 internes et jeunes médecins révèle notamment que les trois quarts des futurs praticiens privilégient les spécialisations et les établissements leur permettant de bénéficier d’une bonne qualité de vie. Si les internes reconnaissent que la médecine est un métier de dévouement, ils posent néanmoins des limites et ne sont pas prêts à tout accepter… contrairement à certains de leurs aînés.
“La donne a changé ! Les attentes des internes et des jeunes médecins concernant l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle sont assumées et revendiquées. Les établissements de santé n’ont plus le choix que de s’emparer de la question de la qualité de vie au travail pour attirer et fidéliser les talents. Dans le public comme dans le privé, la bonne réputation des établissements passe par une marque employeur forte et des actions concrètes au service du bien-être de celles et ceux qui prennent soin de notre santé. Il est urgent de repenser l’environnement de travail des soignants”, analyse Stéphane Jeugnet, Directeur Général d’Appel Médical.
Des internes à la recherche d’un équilibre personnel
En première ligne durant la crise du COVID, les internes et les jeunes médecins ont aujourd’hui une idée précise de la manière dont ils voudraient exercer leur métier. Ils le clament avec vigueur : ils comptent exercer au sein d’un établissement « où il fait bon travailler ».
Pour eux, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est aujourd’hui un pré-requis. Les internes souhaitent travailler dans une structure ayant suffisamment de moyens, notamment en personnels, rémunérant bien les soignants, avec un management respectueux du bien-être des équipes.
Ainsi, à la question, “Concernant votre qualité de vie au travail, quels sont pour vous les éléments les plus importants à respecter ?”, 70% des internes citent le volume horaire, une équipe complète et une pratique de la médecine orientée patient.
L’étude Futuramed menée par Appel Médical Search montre que la question du temps de travail est un sujet clé chez les nouveaux praticiens. Rejetant l’obligation “d’être disponibles tout le temps”, les jeunes médecins aimeraient que le nombre d’astreintes soit limité, voire supprimé. La plupart d’entre eux expriment précisément leurs attentes : ils n’envisagent pas de travailler plus de 11 heures par jour et plus de 5 jours par semaine. Ils ne souhaitent pas non plus réaliser plus de 3 gardes et 4 astreintes par mois.
Si la volonté d’exercer à temps complet reste majoritaire en début de carrière pour deux tiers des internes (66% des femmes et 73% des hommes interrogés), ils sont près d’un quart à souhaiter débuter leur carrière à temps partiel (27% des femmes, 18% des hommes). Une tendance émergente mais qui tend à s’inscrire durablement. Et sur la question du temps de trajet domicile/travail, la réponse est unanime quelle que soit la spécialité : pas plus de 30 minutes.
Enfin, plus d’un quart des internes interrogés préfèrent exercer leur métier dans une ville de taille moyenne et seulement 11% envisagent de rejoindre un établissement en milieu semi-rural ou rural.
Public ou privé : à chaque spécialité sa préférence
Par ses expertises de pointe, l’hôpital public séduit. Plus de 8 internes sur 10 envisagent d’y poursuivre l’exercice de la médecine après leur internat. C’est le cas de 90% des urgentistes, 78% des gériatres et 68% des psychiatres interrogés.
Selon les internes, l’hôpital public a tout pour plaire :
- “L’implication et la compétence technique des personnels” sont citées par 78% des personnes projetant de travailler dans le public,
- “L’accès à un bon plateau technique et à un maximum de spécialistes” est un critère de choix essentiel pour 62% des internes,
- Les gériatres apprécient quant à eux la présence de “kinés compétents” et l’accès à des “spécialités qui ne sont pas forcément disponibles dans les centres de soins de suite et de réadaptation”.
Mais les établissements privés n’ont pas dit leur dernier mot. Parmi les sondés, ce sont les médecins généralistes (63%) et les médecins MPR (61%) qui sont les plus intéressés par le secteur privé. Si les généralistes se dirigent vers des maisons de santé privées et des cabinets libéraux, les spécialistes de la médecine physique et de réadaptation privilégient les cliniques privées. Les deux principaux atouts des établissements privés ? Le niveau de salaire et la qualité de vie proposés aux soignants.
Toutefois, ces avantages ne suffisent pas aux établissements pour embaucher. Qu’ils soient privés ou publics, les établissements doivent aujourd’hui avancer des arguments complémentaires pour faire venir les jeunes médecins, parmi eux, le niveau de réputation, la qualité du plateau technique, l’ambiance au sein des équipes , la flexibilité du temps de travail, l’offre de formation, etc.
Des suggestions pragmatiques pour répondre à la crise du système de santé
Questionnés sur le sujet des déserts médicaux, plusieurs internes dénoncent une « perte de chance pour les patients, une injustice pour les malades habitant à la campagne ».
Toutefois, l’hypothèse d’une obligation de s’y installer est rejetée par la moitié d’entre eux. Certains expliquent ce refus par « les sacrifices consentis durant leurs études et l’internat » et ne comprennent pas pourquoi ils devraient en faire davantage par la suite. D’autres estiment que cela n’a pas de sens du point de vue technique ou démographique : « Dans ces régions, il n’y a pas de structures pour les spécialistes, voire pas de populations d’accueil. » Enfin, certains pensent que cette obligation n’est pas une solution de long terme : « On ne peut pas forcer les gens à travailler là où ils ne veulent pas, ils partiraient au bout d’un an de toute façon. »
Selon les jeunes médecins, toutes spécialités confondues, il faudrait surtout rendre ces zones plus attractives, notamment sur le plan de la rémunération : « C’est une question de moyens, il faut mieux payer les places dans les déserts médicaux, créer des postes très rémunérateurs pour inciter les jeunes à y aller, au moins pour un temps. »
Dans le même temps, près d’un quart des internes dénoncent une trop grande concentration de praticiens en milieu urbain. Ils sont aussi près de 10 % à critiquer un excès de consultations non justifiées : « les patients viennent trop facilement nous voir, car c’est gratuit ».
Les internes interrogés s’accordent également sur le constat du manque de médecins généralistes et de spécialistes : « il y a toute une génération de médecins qui part à la retraite et trop peu de professionnels pour les remplacer. Le problème vient d’un numerus clausus trop bas pendant des années ». D’où l’urgence d’agir « en formant plus de médecins, même si ça coûte cher » et en ouvrant les portes des formations, car « cette pénurie aggrave les problèmes de l’hôpital ».
Et l’idée de faire venir des médecins étrangers pour compenser cette pénurie ? Elle n’est pas du goût des internes ayant participé à l’étude, qui rejettent l’idée d’un système « cherchant à faire des économies en faisant venir des praticiens étrangers payés moins bien qu’un interne ».
Si le soin reste une vocation, les praticiens sont aujourd’hui dans la recherche active d’un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Répondre à cette attente nécessite de réorganiser le système de santé afin de repenser l’environnement de travail des soignants. Il est aussi peut-être temps de dépoussiérer le serment d’Hippocrate…
L’étude Futuramed du cabinet de recrutement Appel Médical Search est une étude basée sur un échantillon de 314 internes et médecins juniors répartis dans 5 spécialités : médecine générale (151), psychiatrie (54), urgentistes (34), gériatrie (27), médecine physique et de réadaptation (48). Le terrain a été réalisé du 29 septembre 2022 au 4 novembre 2022. Le sondage a été mené sous la forme d’un questionnaire auto-administré en ligne et complété par une étude qualitative L’étude a été confiée à Stethos, un cabinet de conseil et d’étude spécialisé dans le domaine de la santé.
Méthodologie :
Les résultats de l’étude sont disponibles en intégralité sur simple demande (cliquez ici). |