le 27 décembre 2023
Prévisions pour l’environnement de travail en 2024

Pour Sander van ‘t Noordende, CEO de Randstad, les ambitions des travailleurs, la gestion de la flexibilité au travail et les compétences en matière d’IA seront des sujets clés en 2024.

 

2023 a été une année de transition pour le monde du travail. Les marchés mondiaux se sont montrés turbulents, mais la pénurie de talents s’est poursuivie et le besoin de talents qualifiés s’est accru. Nos clients nous disent qu’attirer et fidéliser les bonnes personnes est plus que jamais une priorité pour eux.

Entre-temps, les attentes des talents ont évolué. Ces derniers recherchent, en plus du salaire, des possibilités d’apprentissage, un sentiment d’appartenance et un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Pour conserver leur avantage concurrentiel, les employeurs doivent répondre aux demandes des talents et comprendre ce qui les motive, car cela ne correspond pas forcément à ce à quoi ils sont habitués.

Par exemple, au cours des dernières années, nous avons vu l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et la flexibilité au travail gagner en importance pour les salariés. En 2024, cette tendance devrait se poursuivre et ces critères se positionner au même niveau que les attentes salariales.

À l’aube de 2024, plusieurs grandes tendances devraient s’affirmer et impacter le marché du travail. L’Intelligence Artificielle (IA) atteindra de nouveaux sommets et les métiers continueront d’évoluer, dans un contexte d’incertitude économique mondiale et de conflits géopolitiques. Je partage ci-dessous quelques-unes de mes prévisions sur ce qui devrait advenir dans le monde du travail en 2024 et sur la façon dont les entreprises devront s’y adapter.

Pour conserver leur avantage concurrentiel, les employeurs doivent s’efforcer de répondre à la demande des talents et comprendre ce qui les motive.

L’IA va bouleverser le travail d’une manière que nous n’imaginons pas encore

S’il est une tendance qui a retenu l’attention du monde entier cette année, c’est bien l’IA. 2023 restera l’année où l’IA s’est généralisée.

En 2024, les réflexions autour de la sécurité de la technologie se poursuivront, les gouvernements s’apprêtant à introduire une réglementation de l’IA, tandis que les entreprises accélèreront leurs plans et stratégies en matière d’IA. Les estimations du World Economic Forum (WEF) suggèrent que les nouvelles technologies pourraient effectuer jusqu’à 48% de toutes les tâches professionnelles d’ici 2025.

Je pense que la technologie va bouleverser le monde du travail d’une manière que nous n’imaginons pas encore et que nous commencerons bientôt à voir les avantages de l’IA dans le monde du travail. Comme c’est le cas pour d’autres révolutions technologiques, elle créera des perturbations, mais aussi des possibilités de croissance. En Inde, par exemple, le taux d’emplois vacants pour les talents expérimentés en IA et en automatisation est environ quatre fois plus élevé que pour toutes les autres compétences.

L’un des avantages de l’IA sera d’atténuer l’impact de la pénurie de talents. L’utilisation accrue de l’IA peut contribuer à stimuler la productivité et l’efficacité, et aider à pourvoir des postes difficiles à recruter, tout en renforçant l’innovation.

Nous verrons également les entreprises commencer à investir de manière significative dans les opportunités d’apprentissage et de montée en compétence en matière d’IA dont elles ont tant besoin. De fait, une étude récente de Randstad a révélé que près d’un quart (22%) des personnes interrogées déclarent avoir besoin de formation pour utiliser l’IA, mais que seulement 13% d’entre elles en ont bénéficié au cours des 12 derniers mois.

 

Certaines fonctions opérationnelles continueront à diminuer au profit de postes hautement qualifiés.

L’innovation et les progrès de l’IA et d’autres technologies d’avant-garde modifieront sans aucun doute le profil de la main-d’œuvre. Elles créeront de nouveaux emplois, et il est probable que l’essor de l’automatisation fasse disparaître complètement certaines professions.

Cela signifie que dans les années à venir, dans certains cas, nous assisterons à une forte évolution des postes opérationnels de cols bleus vers des postes plus qualifiés. Ce phénomène pourrait être accéléré par le passage de plus en plus fréquent à des recrutements basés sur les compétences. Le WEF prévoit que la croissance de l’emploi à grande échelle sera soutenue par la technologie, la digitalisation et le développement durable. Cela explique que des professions telles que les spécialistes de l’IA et de l’apprentissage automatique occupent la première place dans la liste des métiers à la croissance la plus rapide.

J’y vois un net avantage pour les talents, qui devront consacrer moins de temps aux tâches administratives ou répétitives et pourront se concentrer sur les relations et les aspects « humains » de leur mission, y compris sur les diverses réglementations à gérer. Cela ouvre également la voie à des carrières plus épanouissantes.

Dans les années à venir, nous assisterons, dans certains cas, à une forte évolution des postes d’ouvriers et des fonctions opérationnelles vers des postes plus qualifiés. Cette évolution pourrait être accélérée par le passage de plus en plus fréquent à des recrutements basés sur les compétences.

Un accompagnement par des experts sera indispensable pour s’adapter à l’évolution du monde du travail

À l’heure actuelle, les talents sont rares et les compétences recherchées sont de plus en plus difficiles à trouver. Nos clients, qui vont des PME locales aux plus grandes entreprises du monde, rencontrent de plus en plus de difficultés de recrutement. Les profondes mutations que connaît actuellement le marché du travail exigent des compétences spécifiques et des partenaires experts dans la gestion de talents.

Nos clients recherchent tous la même chose. Ils veulent des services et des solutions qui les aident à relever les grands défis en matière de talents, à savoir la flexibilité, l’agilité et l’accès à un vivier durable de candidats possédant les bonnes compétences.

C’est pourquoi nous nous sommes fixé pour objectif de devenir la société de gestion de talents la plus équitable et la plus spécialisée au monde. Pour ce faire, nous nous organisons autour de quatre spécialisations, qui auront chacune leur propre stratégie et leur propre objectif de croissance. Les spécialisations permettront à Randstad de se développer plus rapidement et de mieux servir ses clients et ses talents. Je suis convaincu que cette nouvelle stratégie nous aidera à réaliser notre ambition.

 

Une flexibilité sur mesure pour répondre à la demande des talents

En 2023, nous avons constaté une augmentation des tensions entre les talents et les employeurs sur la question de la flexibilité au travail. Le débat sur le « retour au bureau », qui a semé la discorde, est devenu l’exemple type de ces pressions et de ces tiraillements.

Alors que de nombreux travailleurs considèrent le travail hybride comme la norme et ont modifié leur vie en conséquence, les entreprises se sont efforcées de trouver l’arrangement idéal pour leur organisation.

D’un côté, la productivité étant une préoccupation majeure des chefs d’entreprise, certains d’entre eux estiment que le travail à distance peut entraîner une baisse de l’innovation. D’autres pensent que, pour les jeunes travailleurs, le fait d’être au bureau peut les aider à apprendre et à monter en compétence au début de leur carrière.

D’un autre côté, le travail à distance a permis l’accès à une réserve de talents globalisée et diversifiée et a facilité les économies potentielles en termes de coûts de main-d’œuvre et d’installations, puisque les employeurs peuvent notamment opérer avec moins de bureaux. Il a également permis aux travailleurs d’atteindre l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée qu’ils souhaitaient depuis longtemps. Pour beaucoup, cet équilibre n’est désormais plus négociable. Les données du Workmonitor 2023 de Randstad ont révélé que plus des trois quarts (78%) des travailleurs déclarent avoir un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et qu’une majorité d’entre eux n’accepterait pas un nouvel emploi s’il avait un impact négatif sur cet équilibre.

Je suis convaincu que la demande de travail flexible ne montrera aucun signe de ralentissement. Cela signifie qu’en 2024, les employeurs devraient chercher à mieux comprendre pourquoi la flexibilité est si importante pour les talents. L’accent devrait également être mis sur la manière dont la flexibilité est mise en œuvre, en reconnaissant qu’elle a des significations différentes selon les personnes.

À l’heure actuelle, les talents sont rares et les compétences recherchées sont de plus en plus difficiles à trouver. Nos clients, qui vont des PME locales aux plus grandes entreprises du monde, rencontrent de plus en plus de difficultés de recrutement.

Je pense que les employeurs dont les politiques sont fondées sur la flexibilité sur mesure seront probablement les plus efficaces et les plus attractifs. Il s’agit de répondre aux besoins de la main-d’œuvre d’une manière qui favorise également la culture, les performances et l’engagement. Ce faisant, les entreprises sont en mesure non seulement d’y parvenir, mais aussi de se démarquer en tant qu’employeur de choix.

 

Les chefs d’entreprise favoriseront l’équité dans l’environnement de travail

Cette année, la pénurie de talents a fait de l’équité un impératif stratégique pour les entreprises. Mais la réalité est que certains profils de travailleurs continuent d’avoir un accès limité au marché du travail, à l’éducation et à la montée en compétence. De ce fait, de nombreux groupes de talents potentiels sont restés inemployés.

En cette période de forte pénurie de talents, ce n’est pas suffisant. Nos études Randstad montrent, par exemple, que parmi les compétences les plus demandées, la capacité de prendre des décisions basées sur l’éthique est quatre fois plus difficile à trouver que les compétences en matière de résolution de problèmes.

Nous avons besoin de tout le monde sur le terrain. Et si nous voulons offrir les meilleurs talents à nos clients, nous devons nous intéresser à tous les viviers de talents, et pas seulement à quelques-uns. En 2024, nous devons nous assurer que les règles du jeu sont les mêmes pour tous, que tous les talents sont traités de manière équitable. Ce n’est pas seulement la bonne action à mener en priorité pour l’année à venir – c’est aussi favorable au développement de l’activité.

Je prévois que, l’année prochaine, les dirigeants favoriseront davantage l’équité dans l’environnement de travail afin d’obtenir de meilleurs résultats tant pour les personnes que pour les organisations. En plus de permettre l’accès à de nouveaux viviers de talents, l’équité dans l’environnement de travail peut également contribuer à rendre la main-d’œuvre plus innovante, plus efficace et plus productive. Lorsqu’un collaborateur a le sentiment d’appartenir à un groupe et de bénéficier des mêmes opportunités, il est plus à même d’exprimer ses points de vue et ses idées uniques, ce qui se traduit par de meilleurs résultats pour l’organisation. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes travailleurs, dont plus de la moitié (54%) déclarent qu’ils quitteraient leur emploi s’ils ne s’y sentaient pas à leur place.

Nous pouvons également nous attendre à une augmentation du nombre de salariés souhaitant que les employeurs s’alignent sur leurs valeurs et prennent des mesures décisives sur des questions qui leur tiennent à cœur, telles que la diversité et l’inclusion.

À quelques jours de 2024, nous pouvons nous attendre à ce que les marchés mondiaux restent turbulents. Dans le même temps, la nécessité de disposer du bon profil de talents continuera de croître et les motivations des employés continueront d’évoluer. Les dirigeants qui réussiront seront ceux qui comprendront vraiment les priorités et les attentes de leurs salariés. Cela aidera les entreprises à tenir le cap et à répondre aux tendances émergentes en constante évolution, tout en atténuant leurs effets négatifs.

Tribune initialement publiée en anglais le 6 décembre 2023 dans la revue américaine Forbes.

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