Menée auprès de plus de 2 000 membres de la communauté LGBTQI+ dans sept pays, l’enquête Workmonitor Pulse Q2 2024 révèle un bilan mitigé de l’inclusion des travailleurs LGBTQI+ au sein des entreprises.
Le mois de juin 2024 marque les 55 ans des émeutes de Stonewall aux États-Unis, à l’origine de la célébration des fiertés LGBTQI+, qui a lieu aujourd’hui dans le monde entier.
Au cours des cinquante dernières années, les organisations ont fait des progrès considérables pour créer des environnements de travail plus inclusifs. Mais un long chemin reste à parcourir.
Les résultats de la dernière enquête Workmonitor Pulse de Randstad montrent que les initiatives et les politiques menées par les entreprises en matière d’équité, de diversité, d’inclusion et d’appartenance (Equity, Diversity, Inclusion & Belonging – EDI&B en anglais) ont contribué à améliorer l’expérience des travailleurs LGBTQI+ dans l’environnement de travail.
Un peu moins de la moitié (49%) des travailleurs LGBTQI+ se sentent à l’aise pour parler de leur sexualité ou de leur identité de genre au travail, tandis que plus d’un quart d’entre eux (28%) éludent le sujet.
Parallèlement, un peu plus de la moitié des personnes interrogées (51%) estiment que leur employeur a pris des mesures significatives pour créer un environnement de travail équitable pour les salariés LGBTQI+. Mais il reste encore beaucoup à faire.
« Comprendre les besoins des travailleurs et prendre des mesures concrètes pour créer des environnements de travail inclusifs n’est pas seulement la bonne chose à faire. Il s’agit également d’un impératif pour fidéliser les meilleurs talents, dans un monde de plus en plus complexe et en constante évolution.
Les entreprises sont aujourd’hui tenues de créer des environnements de travail équitables où tous les salariés se sentent à leur place.”
Sander van ‘t Noordende, CEO, Randstad NV
Des avancées en demi-teinte
L’enquête mondiale de Randstad a demandé à plus de 2 000 membres de la communauté LGBTQI+ dans sept pays (Allemagne, Australie, Etats-Unis, France, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni) d’évaluer les changements survenus dans leur environnement de travail au cours des cinq dernières années, qu’ils soient positifs ou négatifs. Le bilan est mitigé, avec des avancées dans certains secteurs.
Deux répondants sur cinq ont été confrontés à des discriminations ou à des préjugés au travail (41%) au cours de leur carrière.
Seules deux personnes sur cinq (41%) déclarent être moins victimes de discrimination qu’il y a cinq ans, tandis que plus d’un quart (28%) estiment que la discrimination s’est aggravée au cours des cinq dernières années.
Une personne sur trois (32%) se sent plus isolée dans son environnement de travail qu’il y a cinq ans. Ce sentiment d’isolement est particulièrement prégnant chez les jeunes générations : plus d’un tiers des membres de la génération Z (34%) et des millenials (35%) déclarent se sentir plus isolés au travail qu’il y a cinq ans, contre 29% des membres de la génération X et 27% des baby-boomers.
Près de la moitié des personnes interrogées (48%) déclarent accorder plus d’importance à la présence au travail d’alliés de la communauté qu’il y a quelques années, ce chiffre atteignant 50% pour la génération Z et les millenials.
L’expérience des LGBTQI+ au travail
Les résultats de l’enquête Workmonitor Pulse révèlent que la culture d’entreprise a un impact significatif sur les choix en matière d’emploi et les parcours de carrière des travailleurs LGBTQI+. Les données montrent que les organisations qui ne font pas preuve d’inclusion font fuir les talents.
Le sentiment de malaise au travail a poussé près d’une personne sur trois (29%) à quitter son emploi, tandis que plus d’un tiers des personnes interrogées (36%) pensent que le fait de ne pas pouvoir être elles-mêmes au travail a un impact sur leur motivation et leur productivité, un chiffre significatif à prendre en compte par les employeurs.
40% des travailleurs LGBTQI+ craignent que la discrimination n’affecte leur parcours de carrière, tandis qu’un tiers d’entre eux (33%) estiment que leur sexualité ou leur identité de genre a eu un impact négatif sur leur carrière.
Renforcer le soutien aux minorités et l’inclusion dans l’environnement de travail ne bénéficie pas seulement aux personnes LGBTQI+. C’est aussi, pour les organisations, un important levier de fidélisation des talents, notamment dans le contexte actuel de pénurie de compétences.
La génération z et les jeunes travailleurs sont les moteurs du changement
Si des progrès ont été faits en matière d’inclusion, les attentes des jeunes travailleurs LGBTQI+ ont évolué au fil du temps – et les leaders de demain expriment des aspirations toujours plus fortes.
Plus d’un tiers des Millennials (38%) estiment que leur sexualité ou leur identité de genre a eu un impact sur leur rémunération ou leur parcours de carrière – 16% de plus que les baby boomers.
Les travailleurs de la génération Z se révèlent les plus préoccupés par l’impact de la discrimination sur le parcours de carrière. Près de la moitié d’entre eux (45%) expriment ainsi des inquiétudes à ce sujet, contre seulement 29% des baby boomers. Ils sont également plus susceptibles de travailler à distance s’ils estiment que leur environnement de travail n’est pas inclusif : 40% d’entre eux déclarent en effet qu’ils préfèrent travailler à domicile pour ce motif, contre 24% des baby boomers.
De leur côté, les millenials se montrent les plus sensibles au manque de sincérité de la part des entreprises. Près de la moitié d’entre eux (44%) déclarent que la participation de leur employeur au Mois des fiertés et à d’autres initiatives LGBTQI+ leur paraît symbolique, contre 28% des baby boomers.
Les communautés LGBTQI+ dans le monde
Il n’existe pas de méthode unique pour créer des environnements de travail équitables. Comme le montre l’enquête, l’expérience LGBTQI+ au travail n’est pas la même partout, d’où l’importance d’adopter des approches nuancées, adaptées à la culture de chaque pays.
Les travailleurs japonais sont les moins à l’aise pour parler de leur sexualité et de leur identité de genre au travail. Seul un tiers d’entre eux (34%) ne craignent pas d’aborder le sujet dans la sphère professionnelle, contre plus de la moitié des travailleurs britanniques et australiens (58% et 57%).
Toutefois, c’est au Japon que les candidats renoncent le moins à postuler à des emplois par peur de souffrir de discrimination (17%, contre 32% au niveau global).
Le pourcentage de travailleurs LGBTQI+ ayant quitté leur emploi parce qu’ils se sentaient mal à l’aise atteint 41% aux États-Unis contre aux Pays-Bas.
C’est aux États-Unis que les travailleurs LGBTQI+ ressentent le plus de discrimination : 51% des américains interrogés déclarent que leur sexualité ou leur identité de genre les ont exposés à des discriminations ou à des préjugés au cours de leur carrière.
En Europe, les craintes liées à la discrimination sont plus élevées en France, avec 46% des personnes interrogées se déclarants inquiètes pour leur parcours de carrière contre 29% aux Pays-Bas, 34% en Allemagne et 42% au Royaume-Uni. Plus de 4 répondants français sur 10 (43%) estiment que leur sexualité ou leur identité de genre a eu un impact négatif sur leur carrière, loin devant les néérlandais (25%), allemands (29%) ou britanniques (36%).
En France, ce ressenti impacte fortement l’expérience des travailleurs LGBTQI+ dans leur environnement de travail. Près de la moitié des répondants français (46%) pensent que le fait de ne pas pouvoir être eux-mêmes au travail a un impact sur leur motivation et leur productivité, soit le pourcentage le plus élevé tous pays confondus. 38% d’entre eux se sentent plus isolés au travail qu’il y a 5 ans (moyenne globale de 32%) et 41% préfèrent travailler à distance parce qu’ils estiment que leur organisation n’est pas inclusive (moyenne globale de 36%).
L’allyship – concept basé sur la recherche de la justice sociale et du respect des droits par des membres d’une organisation en faveur de groupes minoritaires ou marginalisés – semble être particulièrement fort aux Pays-Bas. Plus de la moitié (55%) des néérlandais interrogés estiment en effet qu’ils ont des rôles modèles et des alliés dans leur environnement de travail et que leurs collègues sont des alliés actifs de la communauté (60%).
Dans les deux cas, ces chiffres sont supérieurs de 30% à ceux du Japon, qui arrive également en dernière position en matière de perception de mesures significatives prises par les employeurs, avec seulement 35% (contre 51% au niveau global).
Vers des environnements de travail plus inclusifs
L’étude Workmonitor 2024 a montré que les travailleurs privilégient les employeurs qui partagent leurs valeurs et leurs points de vue et qui agissent activement pour renforcer l’équité et la diversité au sein de leur organisation. Ce même constat se retrouve dans les résultats de cette enquête Workmonitor Pulse.
Plus de la moitié des répondants (58%) pensent que la création d’un environnement de travail inclusif est de la responsabilité de leur employeur, et 57% estiment qu’il devrait prendre position sur les questions LGBTQI+ auprès des collaborateurs.
Un tiers des personnes interrogées (33%) déclarent que leur employeur ne s’engage pas à l’occasion du Mois des fiertés. Et quand l’employeur s’engage, plus d’un tiers des salariés décrivent ces efforts comme symboliques. Cela peut notamment se manifester par un soutien superficiel aux salariés LGBTQI+ sans que la culture ou les politiques de l’entreprise ne soient modifiées en profondeur.
En effet, plus de la moitié des personnes interrogées (57%) déclarent que leur entreprise devrait mettre en place en interne des politiques d’inclusion au sein de l’environnement de travail et prendre position publiquement sur les questions LGBTQI+.
Les entreprises ont un rôle important à jouer dans la conduite d’un changement positif, en s’exprimant sur la scène publique et en veillant à préserver les acquis.
3 recommandations pour un environnement de travail plus inclusif et respectueux des salariés LGBTQI+
Voici trois manières concrètes, pour les employeurs, de renforcer l’inclusion au sein de l’environnement de travail :
1. valoriser les groupes de travail de collaborateurs (Business Resources Groups ou BRG, communautés animées par les collaborateurs visant à promouvoir l’engagement et la défense des stratégies EDI&B) et leur apporter un soutien visible de tous :
- veiller à ce que toutes les initiatives en matière d’EDI&B soient fondées sur l’expérience réelle des salariés. Cela permet la mise en place de politiques éclairées et ciblées qui soutiennent les minorités et renforcent l’inclusion dans l’environnement de travail.
- s’engager publiquement en faveur de l’inclusion des personnes LGBTQI+. Il peut s’agir de participer à des manifestations liées au Mois des fiertés, de soutenir des associations caritatives LGBTQI+ ou d’arborer le drapeau des fiertés dans l’environnement de travail. Inclure une dimension LGBTQI+ dans les supports de communication de l’entreprise, les campagnes de publicité et les nominations à des postes de direction afin de favoriser le sentiment d’appartenance et de visibilité.
2. instiller une culture du respect et de l’empathie, à travers des campagnes d’information, l’adoption d’un langage inclusif et la mise en place de politiques concrètes en faveur de l’inclusion :
- reconnaître et respecter la diversité des expériences des travailleurs LGBTQI+, plutôt que de les percevoir comme « autres » ou de les définir uniquement en fonction de leur genre ou de leur orientation sexuelle.
- pour les dirigeants, s’informer et informer leurs salariés sur les identités LGBTQI+, la terminologie et les problèmes rencontrés par les membres de la communauté. Cela peut contribuer à réduire les préjugés et à créer un environnement bienveillant. L’instauration d’une « culture du respect et de l’authenticité » contribue grandement à favoriser l’ouverture d’esprit, la transparence et la confiance dans l’environnement de travail.
- promouvoir l’utilisation d’un langage inclusif qui respecte l’identité et l’expression de genre. Mettre à jour les politiques internes de lutte contre les discriminations pour y inclure explicitement l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Élaborer des protocoles pour traiter les cas de harcèlement, de discrimination ou de microagressions à l’encontre des salariés LGBTQI+, et veiller à ce qu’ils se sentent en sécurité lorsqu’ils signalent de tels incidents.
3. promouvoir l’allyship authentique tout au long de l’année et garantir l’accès aux avantages sociaux :
- maintenir les actions inclusives sur le long-terme : si le Mois des fiertés représente pour les entreprises un moment propice pour réfléchir à leurs efforts en matière d’inclusion des personnes LGBTQI+, il est essentiel que la sensibilisation se poursuive tout au long de l’année.
- veiller à ce que les régimes d’assurance maladie couvrent les besoins des personnes LGBTQI+, y compris les prestations pour les partenaires de vie et les soins de santé pour les personnes transgenres. Proposer des toilettes et des vestiaires non genrés pour que tous les salariés puissent s’y sentir à l’aise.