le 28 octobre 2024
Le conscious quitting remet les valeurs au cœur de l’entreprise

Après le “quiet quitting”, le “conscious quitting” prend de l’ampleur partout dans le monde. Si les jeunes générations semblent les premières concernées par ce phénomène, la plupart des collaborateurs attendent de leur entreprise qu’elle donne du sens au travail et prenne en compte leurs préoccupations sociales et environnementales.

« Tout PDG qui pense gagner la guerre des talents en offrant un peu plus d’argent, un peu plus de télétravail et un abonnement à la salle de sport sera déçu. L’ère de la démission consciente est en marche ». Par ses mots issus du Net Positive Employee Barometer de 2023, Paul Polman, ancien PDG d’Unilever a mis en lumière le concept de “démission consciente” ou “conscious quitting”. Ce phénomène désigne le fait de démissionner de son poste au motif que l’entreprise ne correspond pas aux valeurs sociétales ou environnementales qu’on défend. Plutôt que de subir un management allant à l’encontre de ses valeurs, le collaborateur préfère partir. Quitte à perdre de l’argent. 

Selon le même rapport, 73% des Américains et jusqu’à 76% des Britanniques indiquent que l’engagement de l’entreprise au service de la protection de l’environnement est un impératif pour accepter une offre d’emploi. 35% des personnes sondées accepteraient même une rémunération plus basse pour travailler pour une organisation partageant leurs valeurs.

La nécessité de mesures concrètes

En France, une enquête réalisée par l’Unédic et l’institut Elabe en 2023 révèle que 44% des salariés pourraient quitter une entreprise dont les pratiques vont à l’encontre de la transition écologique, tandis que 48% jugent cette raison suffisante pour ne pas y postuler. En 2023, toujours,  un sondage Odoxa pour Oracle, indique qu’un salarié français sur quatre affirme qu’il pourrait démissionner de son poste pour rejoindre une entreprise plus en accord avec ses valeurs. 

En avril 2024, lors d’une tribune dans Fortune, Sander Van’t Noordende, CEO de Randstad, partage le constat de Paul Polman, s’appuyant notamment sur les chiffres du dernier Workmonitor 2024, qui démontrent que près d’un tiers des personnes interrogées a déjà quitté une entreprise qui n’a pas pris de mesures concrètes sur des questions importantes pour lui. « Il ne s’agit pas simplement de prendre position sur une question particulière, assure-t-il. Les collaborateurs exigent des mesures audacieuses pour faire avancer les causes qui les préoccupent ». 

 

Une quête de sens du travail

Vincent Meyer, Professeur assistant en gestion des ressources humaines et directeur académique du M2/MS Manager des ressources humaines à l’EM Normandie, a étudié le phénomène de la grande démission. Selon lui, il existe une corrélation nette entre la qualité du marché du travail et les démissions. Plus il y a d’offres d’emplois disponibles, plus il y a de départs.

Pour Vincent Meyer, « les dimensions éthiques et environnementales constituent un des éléments pris en compte, mais le principal motif de démission reste le manque de sens au travail ». En cause : l’appauvrissement des relations de travail induit par un télétravail mal encadré ou abusif et une forme de déresponsabilisation des organisations envers le rôle managérial. 

 

Restaurer la confiance

Sans surprise, la génération Z est particulièrement sensible à cette perte de sens et réactive aux différends managériaux. « Si un manager prend une décision touchant par exemple à l’égalité hommes / femmes contraire à ses valeurs, le collaborateur va alors réfléchir à partir », précise Vincent Meyer. 

Gagner la confiance des jeunes actifs semble difficile. Selon le Workmonitor 2024, une large part d’entre eux cachent certains aspects de leur personnalité au travail et hésitent à exprimer leurs opinions par crainte d’être jugés ou discriminés. « Les jeunes diplômés ont moins peur du chômage, ils n’ont pas peur de ne pas trouver un travail, souligne Vincent Meyer. En revanche, ils sont davantage préoccupés par la difficulté des conditions de travail et les écarts entre leurs valeurs et celles de l’entreprise ».

 

Revaloriser le collectif et les collaborateurs

Face à ce phénomène, les entreprises doivent agir en profondeur. Et pour cause : un recrutement a un coût et le départ de salariés atteint la marque employeur de l’entreprise et donc ses futurs recrutements. Ignorer les besoins et attentes des salariés rend l’entreprise moins attrayante et donc moins performante avec des profils moins motivés et moins productifs. Remettre du collectif, libérer la créativité et l’expression des idées, créer une culture de l’innovation et surtout impliquer plus largement les collaborateurs dans la définition du sens du travail font partie des pistes clés pour faire bouger les lignes. 

Pour Vincent Meyer, les organisations « doivent repenser le rapport au travail et le pacte social et moral qui les unit à leurs salariés ». Les entreprises ont tout intérêt à réaliser les efforts demandés pour donner du sens à leur activité, la rendre plus vertueuse et surtout limiter les retombées négatives de leurs actions.