La transformation de l’entreprise : où en sommes-nous, où allons-nous ?

Nous avons franchi un certain nombre de paliers avec cette crise. Il y a eu une évolution du rapport au travail, des choses qui étaient en germe depuis longtemps, mais il n’y avait pas de pression particulière pour changer la donne. Aujourd’hui, un modèle de travail davantage fondé sur l’autonomie, la confiance et la liberté d’organisation s’est imposé de fait. Par ailleurs, pendant des années, nous avons entendu un discours sur l’IA qui remplacerait l’humain. Or, on s’est rendu compte avec les confinements que quand les gens ne sont pas là, cela fonctionne moins bien ! La troisième tendance est plus complexe à gérer. C’est la distance qu’ont prise les salariés, et pas seulement physique. Un nouveau système s’est créé : ce qui constituait le contrat de travail, à savoir une unité de lieu, de temps et d’action, a disparu, à l’exception de l’action. Il n’y a plus un a priori de confiance, les candidats comme les salariés sont méfiants vis-à-vis de l’entreprise, et paradoxalement, elle est considérée comme celle qui protégera le mieux les collaborateurs.

Quel impact sur le futur du travail ?

L’entreprise garde bien sûr un objectif économique, mais elle doit avoir l’art de le combiner avec un objectif social. Les gens attendent d’elle qu’elle leur donne un emploi, mais aussi beaucoup plus que ça, c’est une relation différente, qui évolue. Beaucoup de salariés sont très impatients de ces évolutions, mais une entreprise ne change pas en six mois ! Elles mettront des années à intégrer cette nouvelle règle du jeu, car il faut former autrement, instaurer des approches de recrutement différentes, modifier les modèles de management, etc. Les tendances se sont accélérées et on a rarement vu tant de mouvements d’entreprises en même temps, mais il faut aussi faire preuve de patience.

Un mot sur votre culture d’entreprise ?

La culture d’entreprise évolue en fonction de son environnement, la crise a donc eu un impact. Pour autant, cette culture ne se balade pas au gré des modes ! C’est le ciment des salariés, ce qui les soude ensemble où qu’ils soient. L’Oréal a une culture très orale, interactive, nous avons la passion de la machine à café, de la discussion, de la confrontation d’idées, au sens positif du terme. Trop de télétravail risquerait de tuer cet aspect, c’est pourquoi nous avons conclu un accord allant jusqu’à deux jours par semaine maximum. Nous avons fixé des règles communes pour vivre en hybride, à la fois en aidant nos managers à mieux manager à distance, mais aussi en prévoyant des moments de présentiel, comme les entretiens annuels, les comités de direction, ou la présentation de dossier en réunion.

Quelles sont vos priorités en matière de RSE* et QVT** ?

Pendant longtemps, la RSE a été vue essentiellement sous sa dimension E, environnementale, notamment parce que les pouvoirs publics agissaient beaucoup sur ce sujet et que les entreprises suivaient le mouvement, par contrainte ou conviction. Or, dans la RSE, il y a aussi la responsabilité sociale. Elle prend de l’importance, elle a surgi dans le quotidien de l’entreprise, qui se doit de protéger les salariés sur un plan sanitaire et de tenir davantage compte de leurs contraintes personnelles. Cela a parfois été traduit comme une forme de désengagement car ils demandaient une vie plus équilibrée, alors que ce n’est pas du tout le cas.

L’Oréal est une entreprise à part car nous avons adressé cette dimension, notamment sous l’angle de la diversité, du handicap et de l’égalité femmes-hommes depuis très longtemps. Nous ne sommes donc pas vraiment surpris, mais comme nous avions de l’avance, cela nous a conduits à aller encore plus loin avec de nouveaux projets comme notre programme mondial L’OREAL FOR YOUTH. Sur tous les grands sujets sociétaux, l’entreprise fait partie de la solution. Elle doit prendre des initiatives, c’est quelque chose qui est souhaité à la fois par les candidats et par nos collaborateurs, ils sont très sensibles à ce que nous faisons et attentifs à la cohérence entre ce que nous disons et ce que nous faisons.

Un livre à recommander ?

« UNIQUE(S) » d’Alexandre PACHULSKI qui démontre que la solution de l’entreprise c’est l’être humain dans sa diversité et sa spécificité.

* Responsabilité sociétale des entreprises

** Qualité de vie au travail